Pour mes travaux, j’utilise des feuilles de métal, des boîtes de bonbons, de chocolat et de biscuits, des bidons d’huile, des récipients métalliques de toutes sortes. J’utilise du bois recyclé, des portes d’armoires, des plateaux de tables, des panneaux de particules, du contreplaqué. Puis des peintures à la détrempe, à l’acrylique et à la gomme-laque, des terres et des pigments colorés. Les parties en bois constituent généralement le support sur lequel s’ancre l’œuvre, composée des matériaux métalliques qui sont sectionnés, façonnés, cloués et superposés jusqu’à la composition de l’image. Les feuilles de métal sont en fait une matière picturale qui repose sur la couleur de fond et collabore avec celle-ci. La couleur elle-même s’épaissit dans la colle et le plâtre, s’agglutine, disparaît dans les découpes et remonte à la surface du relief, épouse la rouille, le tissu et la poussière, et devient matière.

Dans la plupart des cas, les matériaux que j’utilise sont récupérés, res nullius, des choses abandonnées dans les rues ou entassées par des collectionneurs dans des entrepôts. Rouillés, cabossés, je trouve souvent ces matériaux dans les décharges, l’endroit où le voyage des choses se termine, où nous disons au revoir à ce que nous avons été. Usés, usés, tous les objets finissent là, dans des décharges officielles ou illégales. Ce qui n’est pas nécessaire, ce qui a été exploité, ce qui a terminé son cycle, finit là. Prêt à être brisé en morceaux minuscules, presque infinitésimaux, prêt à devenir de la bouillie ou à être brûlé. Par rapport aux biens dont nous disposions au début de notre vie, la décharge représente le quotient ultime de la division continue que nous opérons en vivant.

Je fréquente ces lieux depuis longtemps et je les trouve toujours pleins, inondés, étouffés par les déchets. Il y a beaucoup de déchets et beaucoup de choses rejetées. On rejette souvent les choses qui ne sont plus à la mode, les choses incompréhensibles, les choses inutilisées, les choses indigestes et non digérées, les choses perdues, volées, répudiées, coupées en deux, utilisées en deux, comprises en deux, rencontrées en deux.

Je choisis ces matériaux pour quelque chose qui m’attire en eux, une fissure, un poids, une couleur… Puis je les découpe, les modèle, les martèle, les peint. Ils conservent souvent des traces de leur fonction première, et en tout cas ne changent pas de nature, car je les utilise pour ce qu’ils sont. Ils restent des déchets rejetés, incompris. Mais pour moi, elles témoignent également du processus de marginalisation en cours dans la société. Les objets abandonnés sont comme ces êtres humains qui sont retirés du centre et placés dans l’obscurité des banlieues, obligés de ramper le long des murs, dans l’ombre. J’utilise les déchets et les refus pour représenter ce qui n’est pas compris, ce qui est jeté, ce qui est rejeté.